« Il y a un choc des cultures juridiques qui rend les choses extrêmement lentes. » Le 20 septembre 2012, soit environ deux semaines après le quadruple meurtre de Chevaline, le procureur d'Annecy de l'époque, Éric Maillaud, reconnaît les difficultés d'une enquête s'étalant sur deux pays. Elles sont dues notamment à l'obligation pour les enquêteurs français d'adresser des commissions rogatoires aux autorités britanniques compétentes.
Cette procédure juridique autorise un juge à missionner un autre juge ou une autorité de police judiciaire étrangère afin de procéder, en son nom, à des mesures d'instruction ou autres actes judiciaires dans le cadre d'une enquête. Il peut s'agir par exemple d'une demande de perquisition, ou d'une visite à un témoin pour recueillir sa déclaration. Elles sont également nécessaires aux enquêteurs français pour leur permettre d'accéder aux preuves qui pourraient être récoltées sur un territoire étranger.
Un pas au Royaume-Uni
Les principales victimes de la tuerie de Haute-Savoie, la famille al-Hilli, possèdent en effet la double nationalité anglaise et irakienne. Ils résident dans une maison à Claygate, près de Londres. Peu après la découverte du crime, les deux juges d'instruction français en charge de l'affaire, Michel Mollin et Christine de Curraize, ont adressé plusieurs commissions rogatoires internationales. Celles-ci ont été refusées par le ministère de l'Intérieur britannique car elles n'étaient pas suffisamment motivées au vu du droit pénal anglais.
Afin de pallier les lourdeurs juridiques qui ralentissent les investigations
« il existe un certain nombre d'outils de coopération européens », explique Éric Maillaud. « Ces outils permettent de mettre de côté les cultures des uns et des autres. Ils sont totalement indispensables pour mener à bien des enquêtes internationales. »
Une ECE (Équipe commune d'enquête) sera créée le 20 septembre 2012, sous l'égide de l'agence européenne de coopération judiciaire Eurojust. Dirigée par les deux juges d'instruction français, elle est composée de gendarmes de la section de recherches de Chambéry, de magistrats britanniques et de policiers du Comté de Surrey, lieu de résidence des al-Hilli.
Une enquête conjointe
Une ECE permet notamment l'échange de renseignements, la possibilité de mener des opérations conjointes, et de coordonner l'exercice de poursuites pénales. Le travail d'enquête se fait « comme si on était dans un seul pays, d'enquêteur à enquêteur ou de juge à enquêteur », précise Éric Maillaud à l'AFP fin septembre 2012. La nouvelle procureure d'Annecy Véronique Denizot, qui a pris ses fonctions en septembre 2016, a quant à elle affirmé en janvier 2017 que des commissions rogatoires internationales étaient toujours en cours dans l'enquête sur la tuerie de Chevaline.
L'ECE existe toujours en 2018. De nouveaux policiers ont rejoint l'équipe britannique. « Ils sont venus récemment rendre visite aux enquêteurs français pour faire le point », a indiqué Véronique Denizot. La procureure a annoncé que l'équipe française allait elle aussi être en partie renouvelée prochainement.