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7 septembre 2012. La tuerie de Chevaline a eu lieu il y a à peine deux jours. La presse britannique s’active tous azimuts, et nourrit la presse française. Paradoxalement, c’est par les tabloïds britanniques que les médias français obtiendront les premières photos de la scène de crime et du père de famille, Saad al-Hilli. Des médias comme le Daily Mail et le Daily Mirror récupèrent toutes les informations possibles auprès du voisinage.

Ils n’hésitent pas à transgresser la frontière entre information et interprétation. La multiplicité des témoins les amène à exposer

leurs suppositions sur le ou les tireurs : mode opératoire, nombre, personnalité… Dans les jours qui suivent, le Daily Mirror parle

d’un « tueur professionnel », quand le Daily Mail parle lui d’un « malade mental ».


Les informations parfois peu vérifiées de la presse anglaise

 

Via d’autres témoignages de l’entourage, ces suppositions dérivent aussi sur le passé de Saad al-Hilli. Dans la presse anglaise, un voisin témoigne : Saad al-Hilli aurait des « problèmes personnels » et se pensait sous surveillance. Les médias anglo-saxons reprennent cette idée et la diffusent. Pourtant ce constat n’est pas confirmé par la justice, mais fait les choux gras des tabloïds comme le Sun. Ils vont jusqu’à évoquer un assassinat commandité par Israël.

 

Il faut cependant établir une distinction entre les tabloïds et les autres journaux anglais. Dans les premiers, on retrouve souvent des informations moins fiables, peu vérifiées, voire encore à l’état de rumeur. Les seconds, eux, préfèrent une plus grande prudence. En témoigne la fausse piste d’un « homme de l’Est », qui, selon des touristes, « rôdait » autour du camping où était installée la famille al-Hilli. Le Daily Mail en fait un article. Mais il s’avère rapidement que l’homme est un Italien, habitué de la piscine du camping, selon les conclusions de la BBC.


Les autorités et les journalistes français ouvertement critiqués 

 

Toute la presse outre-Manche se montre critique envers le système hexagonal. Elle pointe tout d'abord du doigt l’inaction de la gendarmerie française, s’interrogeant sur le temps mis pour trouver Zeena, la plus jeune des deux fillettes, cachée sous les vêtements de sa mère et découverte seulement plusieurs heures après le drame.


La presse française en prend aussi pour son grade : leurs homologues anglais leur reprochent d'être désorganisés et d'avoir mal couvert l'affaire. Les Britanniques ont déniché bon nombre d'informations dans un délai très serré, quitte à en relayer des douteuses. Catherine Coroller, alors envoyée spéciale de Libération à Annecy, raconte dans un témoignage au Plus, plateforme du Nouvel Obs : « Les Anglais sont plus pugnaces (...). Ils posent les questions et les reposent différemment, poliment, de façon à ne pas énerver leurs interlocuteurs. Il faut dire qu'ils ont délégué en Haute-Savoie des gens expérimentés, aguerris, alors que les Français étaient plus divers à ce niveau... »

 

Sur place, les journalistes français sont vus comme frileux et lents par leurs confrères d’outre-Manche, qui ne lésinent pas sur les moyens, comme le raconte Catherine Coroller :  «Le Sun et le Daily Mirror se sont partagé le coût de location d'un hélicoptère qui a survolé la scène de crime et pris les photos qui ont été publiées partout. »


« On ne travaille pas de la même manière »

 

Selon Kim Willsher, dans un article pour The Guardian, les Français auraient relégué l’affaire au rang de « fait divers » comme un autre. Une vraie différence de culture médiatique sur le sujet qu’explique Tom Parry, journaliste au Daily Mirror et auteur du livre The Perfect Crime, consacré à l’affaire Chevaline : « Les journaux britanniques sont obligés de faire remonter un maximum de choses. Ce n’est pas qu’on préfère parler de ces choses-là. Je me souviens que le jour d’après, dans les journaux régionaux en France, c’était parfois en page 15-16-17. Et ça, c’est inconcevable pour des journalistes anglais. »

 

Côté français, Julien Estrangin, rédacteur en chef du Dauphiné libéré à Annecy, assume… et tacle : « On ne travaille pas de la même manière. Une partie de la presse anglaise a mis en avant le fait qu’ils allaient enquêter et pratiquement découvrir la vérité dans les trois jours ».

 

Écart de méthodes, de cultures, de traitements, les intérêts divergent des deux côtés de la Manche. Fiachra Gibbons, journaliste au Guardian résume, dans des propos également relayés dans le Plus : « Dans ce genre d'affaires, les médias anglais saturent le terrain. Une meute déboule, fait du porte à porte, ratisse large, interroge tous les témoins possibles, même les moins dignes de foi, explore toutes les pistes, mêmes les plus fantaisistes. Les Français sont plus prudents. Au fond, pourquoi pas ? »

 

 

La presse anglaise mène la bataille médiatique

Chevaline a aussi sa dimension médiatique. Au fil de l'enquête, même si les faits ne sont pas éclaircis, la presse britannique veut tout savoir sur ce crime qui a touché plusieurs de ses ressortissants. Quitte à égratigner ses collègues français.

7 septembre 2012. La tuerie de Chevaline a eu lieu il y a à peine deux jours. La presse britannique s’active tous azimuts, et nourrit la presse française. Paradoxalement, c’est par les tabloïds britanniques que les médias français obtiendront les premières photos de la scène du crime et du père de famille, Saad Al-Hilli. Des médias comme le Daily Mail et le Daily Mirror récupèrent toutes les informations possibles auprès du voisinage.

 

Ils n’hésitent pas à transgresser la frontière entre information et interprétation. La multiplicité des témoins les amène à exposer leurs suppositions sur le ou les tireurs : mode opératoire, nombre, personnalité… Dans les jours qui suivent, le Daily Mirror parle d’un « tueur professionnel » quand le Daily Mail parle lui d’un « malade mental ».

 

Les informations parfois peu vérifiées de la presse anglaise

 

Via d’autres témoignages de l’entourage, ces suppositions dérivent aussi sur le passé de Saad Al-Hilli. Dans la presse anglaise, un voisin témoigne : Saad al-Hili aurait des « problèmes personnels » et se pensait sous surveillance. Les médias anglo-saxons reprennent cette idée et la diffusent. Pourtant ce constat n’est pas confirmé par la justice, mais fait les choux gras des tabloïds comme le Sun. Ils vont jusqu’à évoquer un assassinat commandité par Israël.

 

Il faut donc établir une distinction entre les tabloïds et les autres journaux anglais. Dans les premiers, on retrouve souvent des informations moins fiables, peu vérifiées, voire encore à l’état de rumeur. Les seconds, eux, préfèrent une plus grande prudence. En témoigne la fausse piste d’un « homme de l’Est », qui selon des touristes, « rôdait » autour du camping où était installée la famille al-Hilli.

Le Daily Mail en fait un article, mais il s’avère rapidement que l’homme est un Italien, habitué de la piscine du camping, selon les conclusions de la BBC.


Les autorités et les journalistes français ouvertement critiqués 

 

Toute la presse outre-Manche se montre critique envers le système hexagonal. Elle pointe tout d'abord du doigt l’inaction de la gendarmerie française,

s’interrogeant sur le temps mis pour trouver Zeena, la plus jeune des deux fillettes, cachée sous les vêtements de sa mère et découverte seulement plusieurs heures après le drame.

 

La presse française en prend aussi pour son grade : leurs homologues anglais leur reprochent d'être désorganisés et d'avoir mal couvert l'affaire. Les Britanniques ont déniché nombre d'informations, dans un délai très serré, quitte à en relayer des douteuses. Catherine Coroller, alors envoyée spéciale de Libération à Annecy, raconte, dans un témoignage au Plus, plateforme du Nouvel Obs : «Les Anglais sont plus pugnaces (...). Ils posent les questions et les reposent différemment, poliment, de façon à ne pas énerver leurs interlocuteurs. Il faut dire qu'ils ont délégué en Haute-Savoie des gens expérimentés, aguerris, alors que les Français étaient plus divers à ce niveau... »

 

Sur place, les journalistes français sont vus comme frileux et lents par leurs confrères d’outre-Manche, qui ne lésinent pas sur les moyens, comme le raconte Catherine Coroller : «Le Sun et le Daily Mirror se sont partagé le coût de location d'un hélicoptère qui a survolé la scène de crime et pris les photos qui ont été publiées partout. »

 

« On ne travaille pas de la même manière »

 

Selon Kim Willsher, dans un article pour The Guardian, les Français auraient relégué l’affaire au rang de « fait divers » comme un autre. Une vraie différence de culture médiatique sur le sujet, qu’explique Tom Parry, journaliste au Daily Mirror et auteur du livre The Perfect Crime, consacré à l’affaire Chevaline : « Les journaux britanniques sont obligés de faire remonter un maximum de choses. Ce n’est pas qu’on préfère parler de ces choses-là. Je me souviens que le jour d’après, dans les journaux régionaux en France, c’était parfois en page 15-16-17. Et ça, c’est inconcevable pour des journalistes anglais ».

 

Côté français, Julien Estrangin, rédacteur en chef du Dauphiné libéré à Annecy, assume… et

tacle : « On ne travaille pas de la même manière. Une partie de la presse anglaise a mis en avant le fait qu’ils allaient enquêter et pratiquement découvrir la vérité dans les trois jours ».

 

Écart de méthodes, de cultures, de traitements, les intérêts divergent des deux côtés de la Manche. Fiachra Gibbons, journaliste au Guardian, résume, dans des propos également relayés dans le Plus : « Dans ce genre d'affaires, les médias anglais saturent le terrain. Une meute déboule, fait du porte à porte, ratisse large, interroge tous les témoins possibles, même les moins dignes de foi, explore toutes les pistes, mêmes les plus fantaisistes. Les Français sont plus prudents à ce stade. Au fond, pourquoi pas ? »

 

 

Chevaline a aussi sa dimension médiatique. Au fil de l'enquête, même si les faits ne sont pas éclaircis, la presse britannique veut tout savoir sur ce crime qui a touché plusieurs de ses ressortissants. Quitte à égratigner ses collègues français.

La presse anglaise mène la bataille médiatique